Les Francofolies de Spa au-de là de Polnareff

Mardi, le chanteur aux lunettes blanches a ouvert ces 23es Francos. Passons maintenant au reste du menu à déguster jusqu’à samedi.

La vingt-troisième édition des Francofolies de Spa restera, dans l’histoire, celle d’un nom jamais vu dans son affiche : Polnareff. L’Amiral a bien fait ça, mardi soir, tout comme Jain, Sharko, Saule ou les Vismets, au Village. Car il ne faudrait pas que l’Amiral cache la forêt dont une partie, sur la grande scène Pierre Rapsat, n’est pas des plus excitantes cette année. Au fil des ans, on se rend compte que –pas que pour les jeunes d’ailleurs – c’est ailleurs que cela se passe : en ville ou dans le Village Francofou à la programmation nettement plus rock et électro. Ceux qui ne sont pas là pour Pascal Obispo (ce mercredi), Kendji Girac (jeudi) ou Louane et Zazie (vendredi) trouveront sans problème leur bonheur à deux pas de là, avec un bracelet permettant, par jour, de voir 18 artistes répartis sur quatre scènes du Village – dont une rien qu’électro –, de 14h à passé minuit. On y trouve de sérieux atouts comme, mercredi, Cœur de Pirate, Marvin Jouno (lire son interview ci-dessous), Nicolas Michaux ou encore Mustii (qu’on voit dans tous les festivals cet été après avoir été révélé à la Nuit du Soir 2015, rappelons-le !).

Jeudi, on ne manquera pas Ghinzu, Hollywood Porn Stars, Dan San et Roscoe. Vendredi, Akro, Alice On The Roof, Nicola Testa et Suarez nous reviennent, tout comme, dans un tout autre genre, Les Charlots et Nicolas Peyrac. Samedi, place à Ulysse, Radio Elvis, Sttellla et le Grand Jojo. Tout ça en plus des Bars en folie, des Francos Junior et des Vitrines, tous les trois gratuits. Comme on dit dans ces cas-là : y a d’quoi faire !

Les Francofolies de Spa, du 19 au 23juillet. www.francofolies.be 

Sttellla encore et toujours

Sttellla revient à Spa, dont le groupe de Jean-Luc Fonck a marqué l’histoire. «Oui, on était même là à deux, avec Mimi, avant les Francofolies. Dans une prairie de Spa, sous une tente de scouts. C’était tout à fait amateur», se souvient Jean-Luc. S’il a participé à la Fête à Pierre Rapsat, à la première édition en 1994 des Francofolies, c’est deux ans plus tard qu’il marquera l’histoire spadoise en entrant sur scène à dos de chameau. «Il y avait Renaud avant, et aussi un veau dont j’étais le parrain. Et puis Machiavel aussi, qui a eu un tel accueil qu’ils se sont dit qu’ils se reformeraient bien.»

En 1999, Sttellla a une nouvelle fois droit à sa Fête. Le thème, cette fois-là, sera les années 80, avec Patrick Hernandez, les Gibson Brothers et même Zazie en guest. Ça, c’était sur la grande scène qui prendra le nom de Pierre Rapsat après son décès. Et puis, ce fut le Village en 2002, 2007, 2010, 2014… «On doit être un des groupes qui a le plus joué aux Francos, non?» Cette année ne déroge pas à la tradition avec un concert en groupe qui fait suite à la sortie du quatorzième album de Sttellla, Regratte-moi dans les yeux. Avec des lunettes à gratter sur la pochette, une idée qui fait suite aux lunettes 3D de Ounne dosse treize (2014) et de l’hologramme lenticulaire du Plus beau jour de magie (2006): «Je sais qu’on ne va pas vendre un disque de plus grâce à ça mais l’idée me plaît, même si ça nous coûte plus cher. Si tu ne fais plus de disques, tu ne peux plus être créatif avec la pochette. Quand j’achète un CD, j’aime aussi qu’il y ait un livret dedans.»

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Sttellla –comme tous les autres– vend moins de disques mais continue de remplir les salles au cours de tournées dans les endroits les plus improbables mais qui, additionnés les uns aux autres, font qu’il remplit plusieurs fois l’équivalent de Forest National. Jean-Luc pourrait même ne plus se donner la peine de chaque fois revenir avec un nouvel album: «Si tu ne fais plus de disques, tu fais quoi? Ça me ferait de la peine. Le prochain, je peux déjà dire qu’il sera rond, qu’il tournera et qu’il aura une pochette.»

En plus, Jean-Luc Fonck fait plein d’autres choses: relever le challenge d’inventer toutes les semaines une chanson incluant des mots imposés par les auditeurs de VivaCité et venir la chanter à l’antenne. Cela fait maintenant cinq ans qu’il officie ainsi à la RTBF. Il continue aussi d’écrire ses romans: une dizaine depuis 2003. Le prochain se déroulera à Han parce que «Les hommes préfèrent les grottes». Et puis le «On va gagner» de Kiki l’Innocent, c’est lui qui a écrit la chanson qui aurait pu devenir le tube de l’été, si… Enfin, bon, voilà…

Le plus drôle, c’est quand vous devisez gentiment à une terrasse bruxelloise, après un bon repas, et que cela lui permet de fumer sa clope tranquille quand, entre plusieurs «Salut Jean-Luc!» et «Tu vas bien, Jean-Luc!» de quidams fort amicaux, débarque une demoiselle lui disant: «Bonjour Jean-Luc, je dois vous dire que ma grand-mère vous a connu. Elle est morte maintenant. C’était Nini du Bolle Winkel.» Loin de se vexer (le chanteur qui a fondé Sttellla en 1975 aura 60ans l’année prochaine!), Jean-Luc est tout content. Oui, il se souvient bien de Nini qui tenait le magasin de bonbons (1 franc pièce) qui se trouvait en face de l’école de Berkendael où il a laissé d’impérissables souvenirs. «On n’est jamais à l’abri. On m’a même déjà confondu avec le Grand Jojo…»

Sttellla sera le samedi 23 à 17h15 au Village Francofou. Pour le reste de la tournée qui se prolongera jusqu’à l’été 2017: www.sttellla.be Album Regratte-moi dans les yeux (T4A).

Le cinéma intérieur de Marvin Jouno

Son premier album, Intérieur Nuit, nous convainc qu’avec Marvin Jouno on tient un talent et une personnalité attachante. Ce disque, qui contient les chansons «Avalanche», «Quitte à me quitter» ou encore «Love Later», c’est de la chanson française mélancolique comme on l’aime. Une plume à la Biolay, une reprise du «Grand sommeil» de Daho… Marvin sait d’où il vient et, comme si cela ne suffisait pas, ce disque se double d’un film de 45 minutes réalisé en Géorgie (par Romain Winkler) d’après son propre scénario. Faut dire que le chanteur breton de Paris a étudié la mise en scène avant de travailler durant dix ans sur les plateaux de tournage comme décorateur, après un bref passage à l’usine: «La décoration, j’y suis un peu arrivé par accident, nous a raconté Marvin. Ce que j’aime dans le cinéma, ce sont les histoires. Ici, j’ai pensé le coréaliser avec Romain, qui avait fait le clip d’Odezenne. Je lui ai donné pas mal d’idées. Mais ce n’est pas un concept-album. Le film est arrivé après le disque.»

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Marvin a 3 ans quand ses parents quittent Saint-Brieuc, dans les Côtes-d’Armor, pour la banlieue parisienne: «Il n’y avait pas trop de travail en Bretagne. Mais je cultive ces racines bretonnes, cette double culture. J’y vais tous les étés.»

Le film d’Intérieur Nuit est un bel hommage mélancolique à la littérature russe et au cinéma de Tarkovski en particulier: «Au départ, je voulais être journaliste, tellement j’ai été marqué par Tintin. Je voulais voyager et vivre des aventures. J’ai un goût prononcé pour les pays de l’Est, la Pologne, l’Estonie… Dès que j’en ai eu l’occasion, je suis allé là-bas. Dans le film, la Géorgie est devenue l’acteur principal. Tina, l’actrice, est Géorgienne. On avait un petit budget pour faire deux clips et avec ça on est restés un mois et demi pour le tournage. C’était un gros défi.»

Marvin écrit depuis qu’il a 16ans. Son plaisir: planter un décor en un couplet. «J’aime la narration même si je n’écris pas beaucoup. Je peux passer un temps fou sur un seul texte. J’aime que ce soit précis. J’écris d’abord le texte, je cherche une mélodie au piano en autodidacte puis mes acolytes s’en saisissent pour finir la chanson. Angelo Foley, je le connais depuis que j’ai 8ans. Agnès Imbault, on travaille ensemble depuis cinq ans.»

Beaucoup comparent Marvin à Benjamin Biolay, ce qui ne l’énerve pas du tout: «Biolay, c’est un des plus intéressants de ces quinze dernières années. C’est flatteur qu’on me compare à lui. Mais moi j’ai autre chose à faire que copier ce qui existe déjà en mieux.»

Si les chansons existent et tiennent en piano-voix, Marvin se passionne de plus en plus pour l’électro. Sur son disque et sur scène, cela s’entend de plus en plus. «J’écoute beaucoup de chanson française, mais Daho est mon modèle. La reprise du Grand Sommeil, c’est pour payer mon dû. J’ai tenté d’en faire une relecture complète pour en révéler la face sombre. De la pop en français, ça a toujours été ma petite ambition.»

Marvin Jouno sera ce mercredi 20 à 14h au Village Francofou. Et reviendra le 12/08 au BSF. Album Intérieur Nuit (Un Plan Simple-Sony Music).

Thierry Coljon


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