Moralité du samedi : ce n’est pas parce que tu te grattes la tête en parcourant l’affiche complète d’un festival que tu ne vas pas, finalement, y trouver aussi ton compte.
Dans la veine hip hop/soul/r’n’b, il existe aussi d’excellentes choses, sur disque comme en live. Pas tant The Internet (autour de Syd, échappée d’Odd Future, crête décolorée sur le crâne), certes délicat mais fort linéaire. Mais plutôt et même carrément Anderson.Paak, descendant de James Brown en passant par Lenny Kravitz à sa meilleure époque. Avec les Free Nationals autour de lui (guitare, basse, clavier, dj/backeur), le garçon entre autres adoubé par Dr. Dre nous sert un set dynamique, musical en diable, varié, topissime, quoi. Et ce Paak-là est marrant. Quand il interpelle un de ses musiciens : « Eh quoi, ta fiancée ? Vous n’êtes plus ensemble ? C’est un trans ? Ah, et alors, c’est un problème ? » Ou à l’attention du public : « Allez-y, les Blancs, faites du bruit ! » Le plus ? Il n’est pas qu’une voix mais aussi un batteur particulièrement doué, qui s’active derrière ses fûts sans en faire des tonnes. Et surtout, sans en perdre son flow pour autant. Du vrai live, quoi ! « Am I wrong » ? Oh que non !
Au Pukkelpop, Henry Rollins fait un peu partie des meubles. L’exercice du spoken word auquel il se livre samedi à la Wablief n’est pas le premier du genre, que du contraire. Mais l’ex-Black Flag est très fort et il captive à tous les coups. Notamment quand il vous raconte son tout premier concert des Ramones et vous décrit les sensations étranges que procure le fait d’être emboîté (…) avec une centaine d’autres bonshommes dans un club qui ne peut en contenir que la moitié. Quand il vous explique ce que la musique signifiait, signifie toujours pour lui et qu’on le comprend tout de suite parce qu’on ressent la même chose. Ou même quand il se fait plus humaniste et disserte sur ce que peut faire la jeune génération pour influer sur le cours des choses. Rollins for President !
Cette édition 2016 du Pukkel restera aussi à coup sûr celle de LCD Soundsystem. James Murphy, ses cowbells et ses troupes sont de retour aux affaires, et c’est une bonne chose, se dit-on au vu de ce concert livré devant un public à ce point épars que se trouver une bonne place devant la main stage est un jeu d’enfant. Comme le veut l’adage : tant pis pour les absents ! Le son est excellent, et une fois lancée (avec « Us vs them »), la machine à (faire) danser ne s’arrête plus, dans un implacable crescendo. « Losing my edge » est énorme, « Yeah » irrésistible au point que tout le monde se retrouve à faire… « Yeah » avec Murphy & co. Même la pluie qui retombe n’empêche rien. « It’s nice », lâche-t-il quand le crachin s’intensifie quelque peu et que le groupe, éparpillé sur scène dans son amas de matos, attaque « New York I love you but you’re bringing me down ». Niveau tête d’affiche ça !
On a un peu du mal à le dire de Soulwax, quand même fort embarqué dans un trip électronique assez clinique, froid (à l’image du décor et des tenues blancs), même si le Dance Hall est bondé pour faire un triomphe aux frères Dewaele (et à l’un de leurs trois batteurs, particulièrement énorme, en la personne d’Igor Cavalera, ex-Sepultura). On ne le dira pas pas non plus de Marky Ramone. Mais, mais mais… on s’est aussi bien fait plaisir avec Marc Bell (de son vrai nom), batteur (c’est le jour, décidément) du groupe de Forest Hills de 1978 à 1983 et de 1987 à 1996. Pour l’heure, il tourne avec un trio emmené par Ken Stringfellow des Posies. Le punk tel qu’on le braillait il y a 40 ans est revisité à cent à l’heure, sur un ton un poil plus métallique, mais comme « dans le temps », les « ouanetoutrifor » s’enchaînent à toute allure et avec eux les titres emblématiques. Alors rien de tel qu’un « Blitzkrieg bop » supersonique pour mettre tout le monde d’accord et clôturer ce Pukkelpop finalement un peu plus rock’n’roll qu’il n’y paraissait au premier abord.
Didier Stiers
(Photos : Mathieu Golinvaux)
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