Ce qu’il faut retenir de la cinquième édition du BEAF.
La première chose, c’est qu’il y avait moins de monde que les années précédentes. Alors qu’on s’était habitué à voir Bozar Electro complet à l’avance, cette année, il restait des places pour les trois jours. Les conséquences d’un concept quelque peu entre deux chaises (pas vraiment clubber et pas vraiment Palais des beaux-arts non plus… ce qui fait aussi l’attrait du festival) ? Quoi qu’il en soit, cette année, on pouvait respirer, et c’est pas mal non plus.
Deuxième point, l’installation qui passe en général quelque peu inaperçue ne l’était pas cette année. Le White Circle faisait ainsi office d’installation artistique et d’aire de repos, de paix, et de quiétude tout en ne quittant pas l’atmosphère electro-arty du festival. Bref, une bonne pioche. « Pour célébrer son 20e anniversaire, le label allemand Raster-Noton présente « white circle », en collaboration avec ZKM | Center for Art and Media Karlsruhe. Cet espace acoustico-architectural a été conçu comme une installation audiovisuelle par quatre artistes du label : Alva Noto, Byetone, Frank Bretschneider et Kangding Ray ».
Sinon, côté musique…
I LES EXPERIENCES SENSORIELLES
> Roly Porter et Marcel Weber alias MFO (jeudi 22h)
« S’il-vous-plaît, fermez vos yeux jusqu’à ce que les lumières aveuglantes cessent. Ne vous inquiétez pas, vous verrez avec vos yeux fermés ». C’est ce qui était écrit sur l’écran avant le déluge de stroboscopes. Et savez quoi ? Même les yeux fermés, on pouvait voir ! Des formes qui venaient s’implanter dans notre cerveau. Ce genre de choses sorties de l’imagination du vidéaste Marcel Weber. Et puis, il y avait le son. Comme tout droit tiré d’un film de sci-fi paranoïaque post-post-moderne. Œuvre de la moitié du duo de producteurs Vex’d. C’est difficile à décrire, alors, on vous propose de mettre du son et de fermer les yeux…
> Tim Hecker (samedi 21h30)
Son album Love Stream, sorti en avril dernier, s’attaquait à «l’esthétique liturgique après Yeezus» en se basant sur les chants polyphoniques du Moyen Age. Des chants religieux, triturés, déconstruits, détruits, et recomposés. Voilà pour le pitch (comme présenté ici).
Pour le live, la salle Henry Leboeuf avait disparu sous la brume et les fumigènes. Lumière rouge, bleue ou violette. Couleurs pleines. Une ambiance à la Valhalla Rising, le film de Vikings mystique signé Nicolas Winding Refn.
Derrière la brume, on devine des formes, comme l’ombre d’une cathédrale miniature. Le son est déstructuré, abstrait, ambiant, sans basse ou presque, mais jouant sur les fréquences aiguës. Il renvoie à un lointain aspect liturgique, quelque chose de gothique, de hors du temps. C’est exigeant, difficile, mais tout autant fascinant. Sans trop savoir à quoi on a assisté (une messe néo-païenne à l’ère de l’hyperconnectivité ?), on restera une bonne partie de la soirée avec en tête ces images embrumées et colorées de la performance.
Rival Consoles (vendredi 21h30)
Signé sur l’excellent label Erased Tapes, le producteur anglais Ryan Lee West vient du rock et cela s’entend dans son electronica énergique et structurée. Relevé d’un visuel très efficace (voir photo), Rival Consoles a fait le boulot, comme on dit. Manque juste ce dernier kek’chose pour passer au niveau supérieur, sortir du cadre, élever la conscience. Ce genre d’affaire, quoi.
> Plaid (samedi 22h30)
Vétérans de l’écurie Warp, le duo Plaid est venu accompagné d’un guitariste. Raison sans doute pour un set plus carré que sur disque, moins original peut-être, mais foutrement bien envoyé. Le son est clair comme du cristal, les basses vous enveloppent et il n’y aucun effort à faire pour se plonger dans le bain – il faut dire aussi que Tim Hecker avait bien débroussaillé le terrain quelques minutes avant…
> James Holden (samedi 00h30)
Tête d’affiche du festival, l’ami anglais James Holden a relevé le défi haut la main. Le bonhomme aime les projets et les horizons divers, que ce soit en compagnie de Caribou, Thom Yorke, Étienne Jaumet (Zombie Zombie) ou encore Maleem Mahmoud Ghania, l’une des figures de proue de la scène gnawa marocaine.
Cette fois, c’est en groupe qu’il venait présenter son nouveau projet, direction l’Afrique (ou l’Australie aborigène, le débat est en cours…). Un batteur, une clarinettiste et un métronome indien (qui n’est en vrai pas du tout indien), véritable boîte à rythmes humaine. Holden, lui, s’occupe des basses. Le tout reprend des thèmes de musique africaine que le groupe développe en longueur, la sauce monte, monte, monte et prend invariablement. Quelques part entre néo-psychédélisme, jazz, blues africain et electro acid, un concert cinq étoiles, sans faute, impeccable de bout en bout. Que demande le peuple ? Une aussi belle affiche l’année prochaine.
DIDIER ZACHARIE