Dans La Jungle, terrible jungle

Vous aimez la transe, le kraut, le (math) rock, la noise et les concerts qui mettent la tête à l’envers ? Essayez ce duo montois qui en est là à son deuxième album. Intitulé… II !

L’étincelle est née dès qu’ils ont commencé à jouer ensemble. Mathieu Flasse n’entendait plus faire du Petula Clarck (son autre groupe, mais à côté de ça, il est aussi plasticien sous le pseudo de Warvin) : « J’avais envie d’une guitare qui sonne comme un clavier, de quelque chose de plus transe, de plus répétitif. » Quant à Rémy Venant, par ailleurs programmateur au Vecteur à Charleroi, il pensait « rentre-dedans » et « moins musical ». La Jungle les a happés aussi vite.

Si on ne s’en tient qu’aux commentaires publiés après la sortie du premier album début 2015 puis au fil des concerts, voilà un projet qui a vite pris une autre ampleur !

Mathieu : On a commencé en juin, les morceaux étaient écrits à l’automne, on a enregistré même pas six mois après. L’idée était d’avoir un disque pour trouver des concerts. Et puis ça a super bien pris. Cet album-ci, on l’a composé avant même que tout se déclenche. Ça fait plus d’un an qu’il est écrit…

Rémy : Après, va-t-on en faire plus ? Je pense qu’à côté du groupe, on tient à garder nos activités personnelles.

Ce qui frappe, quand on vous voit sur scène, c’est à quel point ça peut être physique…

M. : Ça m’arrange, parce que je ne fais pas de sport ! Nos tee-shirts sont des torchons après un concert. Je bénis les techniciens qui mettent des ventilos sur scène, c’est une belle invention !

Vous êtes dans quel état, en live ?

M. : Nous sommes tous les deux à fond dedans. Nous sommes très concentrés aussi. Je crée des loops en direct, rien n’est préenregistré, tout est fait à partir de la guitare ou de la voix. Le loop, il ne faut pas le rater, sinon c’est tout le morceau qui foire. Là-dessus, il y a une grande concentration. Mais à force d’avoir joué, on est aussi de plus en plus à l’aise. Les premiers concerts, on devait, je pense, être beaucoup plus attentifs à ce qu’on jouait, mais au fur et à mesure des dates, c’est devenu de plus en plus instinctif. L’énergie, elle, elle est arrivée naturellement.

R. : On n’a jamais suivi de résidence avec un coach qui nous aurait dit de faire du physique. Il y en a qui y vont, mais ce n’est pas notre cas. Ça vient aussi de ce qu’on écoute à côté. Et puis, je ne me vois pas jouer en restant ultra statique et en essayant de faire en sorte que tout sonne super bien. Ce que j’apprécie, c’est le rapport physique à la musique, et c’est pour ça que j’aime bien la batterie aussi.

M. : On veut que ce soit organique. On ne va pas utiliser n’importe quel clavier, on ne va pas rajouter des trucs pompeux. Au début, on ne savait pas qu’on allait être deux. Il était là, j’étais là, on a directement super bien avancé. On connaissait d’autres gens, on a réfléchi mais sans envisager quelqu’un qui allait suivre le projet avec autant d’énergie que nous. Là, la formule marche bien à deux, donc on reste à deux pour l’instant.

Frontstage - La Jungle - Crédit Jekyll'n'Hyde

C’est une musique qui est ouverte à l’impro : vous lui laissez de la place, vu que vous êtes de plus en plus à l’aise avec la technique ?

M. : La grille n’est pas rigide. Enfin, ça dépend des morceaux. « Ape in a python », qui ouvre le premier album, fait un peu plus de six minutes sur le disque et près de dix maintenant. Il nous suffit d’échanger un regard, et on sait qu’on va reprendre, ou lui va voir que je continue, ou on prolonge le pont… En même temps, avec des morceaux de dix minutes, des concerts de 40, ce n’est pas simple. Aujourd’hui sur le rider, on demande d’office 50 minutes parce que les titres du deuxième disque sont plus longs ! Donc oui, c’est gai parce qu’il y a toute cette part d’impro. On rajoute des voix, des ambiances qui arrivent par accident, aussi, qu’on retravaille. Ça nous permet justement de conserver ce côté intuitif dans les morceaux. Pour moi, c’est toujours aussi gai de jouer pour l’instant alors qu’on a déjà fait pas mal de dates.

R. : « Blood watermelon », c’est le plus bel exemple de morceau qu’on a développé en live. Je le réécoutais il y a deux ou trois jours : ce qu’on fait en live n’a plus rien à voir ! On a vraiment appris, mais pas en se disant : « A ce moment-là, on va faire ça. » Comme le dit Mathieu, c’est juste des regards, des attitudes. Une sorte de mimétisme entre nous. Et puis, le public conditionne aussi ces moments-là : quand on voit qu’il est chaud, ça te fout une pression, tu ne peux pas le lâcher. Bon, c’est ton truc, mais à un moment tu dois lui rendre ce qu’il envoie…

Au fait, qu’est-ce que vous avez avec les pastèques ?

M. : Ben… je ne sais pas… « Blood watermelon » est le premier morceau qu’on a composé après ceux du premier album. Notre concert de l’Olympic Café à Paris avait été filmé et les réalisateurs nous ont demandé s’ils pouvaient monter ce passage – ils vont réaliser un clip pour le mois d’octobre -, ils nous ont demandé le titre du morceau, qu’on n’avait pas encore… Et on a repensé à cette illu, parce qu’on avait déjà travaillé avec les images de Gideon Chase, (ndlr : pour le premier album – il est employé chez Cartoon Network) et on s’est dit on va l’appeler « Blood watermelon ». J’aime les trucs un peu juteux. Et finalement, on a utilisé deux fois une illu du même artiste, qui nous a donné son autorisation… Elles vont bien ensemble, c’est cool.

Votre plus grande satisfaction, par rapport à ce disque ?

M. : On a vraiment le son qu’on voulait avoir. Merci Steve Dujacquier ! Même s’il est dans l’esprit du premier, je vois une différence. Dans la répétition, dans la construction, on a accéléré des boucles… C’est la satisfaction d’avoir fait quelque chose de différent.

R. : On a aussi essayé de le faire plus par nous-mêmes. Sinon, je suis particulièrement content de ne pas avoir attendu cinq ans avant d’en faire un deuxième.

M. : C’est quelque chose qu’on voulait dès le départ. On joue les morceaux, on les enregistre, on tourne, on fait des nouveaux morceaux, on enregistre, on tourne… Ici, peut-être qu’on va encore beaucoup tourner mais on pense déjà à la suite. Peut-être qu’on sortira un ep en attendant le troisième, ou un split avec un autre groupe. Je n’ai pas envie de perdre de temps. Et on n’a pas envie de travailler un an sur un morceau pour que ça devienne une soupe math rock complètement indigeste. Ce que les gens aiment bien, je crois, c’est ce côté très direct, quelque part, pas trop compliqué, et qui nous va bien, en plus.

Didier Stiers
(Photos : Jekyll n’Hyde)

En concert ce samedi 15 octobre à La Fabrique des Singes (Mons, avec The Three Brained Robot), le 18 novembre au Rockerill (Charleroi, avec Mont-Doré et Blurt), le 1er décembre à l’Atelier 210 (Bruxelles, avec Totorro et Rince-Doigt).

Didier Stiers

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