Fakear, electro world

Le producteur normand est venu présenter son album Animal dans une Ancienne Belgique pleine à craquer. Rencontre.

En une heure et demie de concert, la messe était dite. Seul derrière son clavier numérique ou entouré de musiciens (cinq ou huit, c’est selon, avec harpe, percus et cuivres… qu’on n’entendait pas forcément dans le mix) dans une nouvelle formule qu’il écule depuis à peine une semaine, Théo Le Vigoureux, alias Fakear, a mené sa barque à bon port, avec maîtrise, presque facilité. Le public, en grande majorité post-ado, surchauffé durant le set, est repu, satisfait, conquis. Comme après les deux précédents passages du Normand cette année en Belgique (aux Nuits Botanique et à Dour). Fakear, nouvelle révélation électro française ? En fait, pas tout à fait.

Né à Caen il y a vingt-cinq ans, Théo Le Vigoureux est né dans la musique. Ses parents sont tous deux profs de musique, il apprend très jeune à jouer du saxo, de la basse, du piano, chipote à tout et s’ouvre déjà aux sonorités des contrées lointaines. C’est le grand large qui l’intéresse, la nature, les sons organiques – rien à voir avec la tradition européenne classique et le Conservatoire.

D’ailleurs, à l’adolescence, c’est plutôt le rock progressif et le… ska qui l’intéressent. « C’est le groupe qu’on retient, mais il y en a eu d’autres, dit-il quelques heures avant le concert. L’anecdote, c’est que le batteur, c’était Gabriel qui se produit aujourd’hui sous le nom de Superpoze. C’est un peu lui qui m’a branché sur l’électronique. Et comme j’avais envie de composer et faire mon truc et que j’étais un peu geek, le logiciel était l’outil parfait. Mais les synthés me parlent moins que les vrais instruments. Ce qui me branche vraiment, c’est de pouvoir sampler des chorales ou des chants pygmés de 1928 ».

En gros, Fakear fait des beats comme on prenait naguère une guitare. Mais il ne se sent aucun lien particulier avec la French Touch, voire une quelconque scène de musique électronique : « Je ne suis pas du tout passé par la case clubs, et ça me va très bien. Justice, l’entourage Ed Banger, je n’ai jamais écouté. Bon, j’ai écouté Daft Punk en CM2, mais comme tout le monde. Berlin est une ville qui ne m’inspire pas du tout. L’Occident ne m’inspire pas. C’est trop urbain ».

S’il faut lui trouver un guide dans la sphère électronique, il s’agirait du producteur anglais Bonobo : « C’est le seul qui établissait des ponts entre les sons électro et la musique world, des sonorités un peu japonisantes, asiatiques. Ca m’a hyper inspiré. Je me suis dit : ‘Waow, c’est donc possible de faire de la musique en intégrant tout ça’. Ça m’a aidé à m’assumer ».

Et le voilà aujourd’hui signé sur le même label historique, Ninja Tune, pour l’Angleterre et les Etats-Unis. « Mon premier pas hors de France, ça été de trouver un manager anglais, il m’a demandé : ‘Fais-moi une liste de tes cinq labels favoris ?’ Moi, je comprenais pas, je lui donne quatre ou cinq noms et il me dit : ‘Parfait, je les appelle demain’. Et Ninja Tune a été partant. En restant dans le réseau français, ça aurait été impossible ».

Après une série d’EP qui ont fait parler d’eux (notamment avec le titre « La lune rousse »), Fakear a sorti son premier album Animal l’été dernier. Un disque ouvert sur le monde, avec des sonorités africaines et asiatiques derrière des beats finalement assez discrets. La mélodie d’abord. Fakear, artiste electro world, tendance écolo ? « Ah oui, pourquoi pas ? J’assume. J’adorerais jouer dans des festivals world music, j’aime me confronter à ce genre de public, un peu backpackers, qui a vu du monde, je m’y reconnais un peu ». Et il termine en racontant son voyage à travers les fjords en Scandinavie, perdu au milieu de la nature sauvage et animale.

DIDIER ZACHARIE

Journaliste lesoir.be

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