Kraftwerk en sound & vision à Anvers

Kraftwerk est en résidence jusque mardi à la salle Reine Elisabeth à Anvers pour y jouer son catalogue en 3D. Résultat des courses.

On a déjà décrit la place fondamentale que tient Kraftwerk dans l’histoire de la musique pop et électronique. Restait à voir comment le groupe, pionnier dans tant de domaines, tenait la route aujourd’hui, près de cinquante ans après sa formation. Du binôme d’origine, justement, il ne reste que le démiurge Ralf Hütter, 70 ans, aujourd’hui soutenu par trois hommes-machines qui l’accompagnent (du moins pour deux d’entre eux) depuis les années 90 – Florian Schneider, co-fondateur et collègue de quarante ans, ayant quitté le groupe en 2009.

Si Kraftwerk s’est fait rare depuis le milieu des années 80, il est revenu à l’avant-plan au début des années 2000 avec l’album Tour de France et la tournée mondiale qui a suivi en 2004. Depuis 2009, c’est pourtant le back catalogue du groupe qui a occupé Ralf Hütter. Suivant la réédition (peaufinée jusque dans ses pochettes modernisées) des disques mythiques, notre homme a imaginé un concept de spectacle multimédias où les visuels attachés aux albums (et à leurs thèmes spécifiques) sont projetés en 3D. Les lieux choisis pour ces concerts 3D étant généralement réservés à l’art majeur, tels le MoMA à New York, la Tate Gallery à Londres ou l’espace Louis Vuitton à Paris. C’est cette semaine le tour de la Belgique et de la magnifique salle Reine Elisabeth d’Anvers d’accueillir le vaisseau Kraftwerk à raison de deux concerts par soir durant quatre soirs, réservés chaque fois à un album.

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Première constatation, cette communication est faussée. Les albums originaux dépassant rarement les 40 minutes, Kraftwerk joue en réalité tous ses titres mythiques à chaque concert, lesquels durent deux heures. Honneur nous ayant été donné d’assister aux concerts dédiés à Autobahn (1974) et Trans-Europe Express (1977), seule la grosse demi-heure qui se focalise sur l’album en question variait d’un concert à l’autre. L’heure et demie restante étant fondamentalement la même – ce qui ne boude en rien le plaisir du mélomane.

Le choix de la salle Reine Elisabeth n’est pas anodin. Le son y est d’une perfection rare, le confort d’écoute est parfait et l’architecture splendide. Evidemment, le cadre donne au concert un statut plus proche de l’installation artistique que du live de festival. C’est le concept aussi qui fait ça : on est là pour regarder et s’en prendre plein les yeux autant que les oreilles. C’est pourtant le son qui impressionne le plus : clair, puissant, venant parfois de droite comme de gauche. Bien placé dans la parterre, on n’est pas loin du son surrround. Et on se dit que c’est la prochaine étape.

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Quant à la 3D, si elle démarre fort avec « Numbers » et « Computer World », si elle fonctionne bien sur « Radio-Activity » ou « The Man Machine », force est de constater qu’elle n’est pas toujours justifiée – d’autant plus qu’après une heure, comme au cinéma, elle donne mal au crâne. Mais qu’à cela ne tienne, les visuels restent impressionnants, minimalistes, simples, ils rajoutent un plus évident à l’installation. Ni un concert pure, ni un spectacle visuel à apprécier en esthète, le groupe allemand nous propose un entre-deux, une performance artistique en son et vision.

Pour le reste, Kraftwerk n’aura eu de cesse de nous rappeler que tout (TOUT!) ce qu’on entend aujourd’hui découle de ses studios Kling Klang de Düsseldorf. Que Coldplay a piqué son « Talk » à « Computer Love » (Chris Martin s’est d’ailleurs fendu d’une très jolie lettre de demande de permission en allemand); que la techno de Detroit est née avec ce même album, Computer World ; que l’electro-pop n’existerait pas sans eux ; que « The Model » est une des chansons pop les plus limpides jamais écrites ; que les robots (et le vocoder!) existaient dans la pop bien avant Daft Punk ; et que même le tardif Tour de France, faisant mieux que suivre la mouvance techno minimale du début des années 2000, a influencé la papesse du genre Ellen Allien.

Les meilleurs moments du show? Le monumental « Radio-Activity », composé il y a quarante ans et d’une modernité effarante; et « The Robots », en rappel, où les robots prennent la scène d’assaut.

Kraftwerk a tout inventé. Il n’y a rien à ajouter.

DIDIER ZACHARIE

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PS. A noter tout de même qu’un film de ce spectacle 3D arrive sur les écrans.


Lire aussi > Le monde de demain selon Kraftwerk

Journaliste lesoir.be

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