Ce jeudi au Botanique, la seizième Nuit du Soir affichait complet. La formule est depuis un bon moment bien rodée et plaît toujours. Mot d’ordre de cette édition : bonne humeur !
La Nuit du Soir, inaugurée en 2004 au Cirque Royal, c’est un prix d’entrée modique, deux scènes, une atmosphère de festival sans les aléas de la météo et, surtout, six groupes et artistes du cru. En devenir pour la plupart. L’édition 2017 ? Wuman, Sonnfjord, Faon Faon, Konoba, Rive et Alex Germys. Point de rap donc, ni de représentant du nord du pays, pas plus que de guitares très rock, mais une affiche bien éclectique quand même.
Il est 20h00 quand les Tournaisiens de Wuman viennent s’installer sous la boule à facettes de la Rotonde. Nous les avions découverts voici deux ans aux Beautés Soniques namuroises, en première partie de Bagarre. A l’époque, le projet était encore jeune mais se voulait déjà multidisciplinaire. Dans leur creuset musical se mélangent nombre d’influences, jazz et accents tropicaux compris, toutes au service d’une sorte de concept. Qu’ils résument d’emblée : « Bonjour, nous sommes Wuman. On ne sait pas dessiner, alors on dessine des femmes en musique. » Ne cherchez pas les projections, tout est dans l’imagination. D’emblée aussi, ils se sentent comme à la maison, si l’on en juge par le guitariste, sans chaussures ou baskets, juste en chaussettes pour jouer avec ses pédales d’effets. La Rotonde, qui vibre sous les basses, est comble : la soirée affiche complet !
Chez Wuman, dans le public, il y a Angèle avec sa frange, son tee-shirt blanc et Sylvie sa manager/babysitter. Mais oui, Angèle vous voyez qui c’est : la jolie blonde au clavier et à la voix de velours que non, on ne réduira pas à « la fille de et de » et « petite sœur de Roméo Elvis ». « Je suis venue voir tout le monde, qu’elle dit. Surtout les Faon Faon et Sonnfjord qui sont des amies. Bah on est tous un peu tous copains ici en Belgique. On se soutient. Et ça me fait bien plaisir, toutes ces filles. »
Plus loin, Gaétan qui regrette d’avoir mis son gros bodywarmer : « Je suis venu voir Marin, le pianiste de Wuman qui est un pote, celui qui a la casquette. Il bosse au théâtre Le Public et cet été, il a super tourné. Ça a bien marché pour eux à Dour. » Marin acquiesce : « Ouais, il a acheté tous nos vinyles. Et précommandé nos t-shirts brodés avec le nom des filles. Jusqu’à présent brodés par la maman du guitariste… »
Il y a cinq minutes de battement entre les concerts, pile le temps de filer à l’Orangerie où, là, c’est Sonnfjord qui essuie les plâtres de cette Nuit. Le groupe, qui n’a donc rien de scandinave – attention au piège du nom -, marque au premier abord par la voix aux accents cristallins de sa chanteuse, Maria-Laetitia Mattern, qui ce soir semble beaucoup s’amuser. La demoiselle est encadrée par deux ex-Lucy Lucy (dont l’un est d’ailleurs le chanteur de Paon, vous suivez ?). Les habitués des Nuits s’en souviendront certainement : Lucy Lucy était à l’affiche des notre rendez-vous en 2009, l’année du passage du Cirque au Botanique, et la formation faisait alors parler la poudre, se fendant d’une reprise des Black Lips (« Bad kids »). Cette fois, même si les racines sont plutôt folk, on poursuit sur le mode « déhanchements » de rigueur, notamment sur « Lights », le single joliment vitaminé lâché en première partie de concert.
La boule à facettes pourrait être à Faon Faon ce que Panpan est à Bambi : jamais trop loin. Et puis, c’est qu’il commence à avoir de la bouteille, le duo électropop formé par Fanny et Olympia ! Déjà rien que pour avoir aligné une belle série de concerts dans des circonstances diverses, depuis leur victoire au concours Du F Dans Le Texte en 2015. Et donc, les deux délurées savent commenter pimenter leur setlist. Ici d’un petit « on veut vous entendre », et là d’un « c’est notre dernier concert de la saison à Bruxelles ». Leurs histoires de filles et de flaques, des petites connes et d’esquimaux font office de catalyseur dans la bonne humeur de ce soir…
Konoba, une fois n’est pas coutume, se produit en solo. Clavier, pads et micro : c’est pour Raphaël Esterhazy (dans la vie de tous les jours) l’occasion, comme il l’explique, de réarranger quelques-uns de ses morceaux et de se lâcher (sic) sur certains d’entre eux. C’est aussi pour lui l’occasion de tester un nouveau titre : « Brand new skin », sur un mode ballade soul… En janvier prochain, il sera à l’Eurosonic de Groninge, succédant ainsi à Mustii.
Dans la place on croise du Ginzhu, du Girls In Hawaii et Dan, le chanteur de feu les Vismets : « Je suis venu voir Faon Faon parce que je trouve que c’est frais, elles sont folles et très douées. Elles font du bien à notre paysage musical francophone ! Je suis content qu’elles commencent à grandir. Y’a un truc dans l’ADN d’un projet, on sait tout de suite si ça va prendre ou pas. » Des Brigitte belges, vraiment ? « Ça n’a rien à voir avec les Brigitte qui ont un côté vintage assumé, voulu, 70’s même dans l’imagerie. Celles-ci ont un côté punkette, résolument modernes ! »
Dehors, un trio de belle jeunesse fume et vapote sur la terrasse. Lui : « Konoba, il était trop chou. Même les filles ont aimé. C’est genre Bastian Baker, enfin le même avec du talent (ndlr : Oups, sorry, on avait compris avec des talons). Elle : « En fait, c’est un mélange de George Ezra et Jason Mraz (ndlr : Mais si, ce mec qui a fait des tubes, y’a dix ans !) L’autre : « Et sinon, Rive, c’est bien ? »
Rive ? Le duo avec statue proposé par Juliette Bossé (chant, synthé) et Kevin Mahé (percussions), deux autres lauréats de la pépinière Du F Dans Le Texte, est aussi le second des deux groupes à se produire ce soir en… français. Depuis son passage en finale du concours, il a gagné en assurance : la symbiose entre mélodies paisibles et rythmes plus soutenus est évidente.
De quoi préparer au mieux le terrain pour Alex Germys, se dit-on. Les derniers beats de cette Nuit du Soir sont en effet distillés par celui qui a cartonné avec « Sweet afterglow ». Une fois n’est pas coutume non plus, c’est nouveau, que cette clôture laissée aux bons soins d’un dj. Histoire d’aborder l’automne avec encore un peu de soleil dans la tête ? Certains ont malgré tout opté pour une sagesse peut-être un peu précipitée : il y a de la place, tout d’un coup dans cette Orangerie qui était comble quelques instants auparavant. Étonnant !
Didier Stiers & Julie Huon
(Photos : Dominique Duchesnes)