Bozar Electro 2017: le recap

Le Bozar Electronic Art Festival est un des festivals les plus intéressants du Royaume. A chaque année son lot de découvertes, de perles rares, de diamants bruts qu’on n’entend jamais ailleurs. Ca, et tout le reste…

Depuis ses débuts il y a six éditions, le BEAF a toujours eu le cul entre deux chaises, sans que le public sache vraiment à quoi s’en tenir: electro tendance clubbing au musée ou avant-garde savante? Cette année, avec l’arrivée de Nuits Sonores et celle du Brussels Electronic Marathon (dans quinze jours), le BEAF s’est recentré sur la deuxième chaise, bien assis, bien à l’écoute avec une ou deux incursions plus dansantes seulement. Et, franchement, une fois qu’on a compris et accepté l’idée, c’est pas plus mal. On fait le point sur cette édition 2017.

I > LE CONCERT DU FESTIVAL > SOTE avec TARIK BARRI

Stockhausen meets le poète et savant perse Omar Khayyam quelque part en 2017. Ata « Sote » Ebteka est un compositeur et artiste sonore iranien. Pour ce projet, il s’est acoquiné avec des musiciens traditionnels, Arash Bolouri et Behrouz Pashaei, et le compositeur audiovisuel Tarik Barri (qui a notamment bossé avec Monolake, Thom Yorke et Nicolas Jaar, excusez du peu).

Mardi soir, dans la salle M, c’est donc à une performance purement électroacoustique que nous avons assisté. Le placement judicieux des micros autour des instruments acoustiques iraniens (le santour et le setâr), lesquels donnent le la avant d’être rehaussés par des touches électroniques d’avant-garde. Pas de grosses basses ici, donc, mais un travail d’orfèvre, subtil et fascinant qui, de plus, bénéficie d’un incroyable visuel directement connecté aux sons. Découverte et concert du festival, haut la main. Bref, balaise.

II > LA CLAQUE DANS TA GUEULE DU FESTIVAL > BEN FROST

Ca fait vingt minutes que ce son de goutte de pluie métallique joue au supplice chinois. La salle est enfumée, mais toujours point de Mr. Frost à l’horizon brumeux. Pour patienter, certains terminent de lire leur ouvrage de philosophie orientale, d’autres, déjà passablement éméchés, ne tiennent plus en place – ce mélange des styles entre intellos arty et clubbers en pleine montée, bien que moins marqué cette année, fait toujours le sel du festival. Enfin, Mr. Frost arrive. Cheveux longs sur débardeur, l’air d’un viking cyber punk qui n’est pas content du tout. D’ailleurs, il le dit, du moins on suppose. Il harangue les gens du premier rang, semble presque les insulter. C’est qu’il attend du public autre chose qu’un ronflement poli, Mr. Frost. Voilà ce qu’il nous dit. En gros, on va s’en prendre plein la gueule et on ferait bien de s’y préparer. C’est pas La Fête à la Maison, ici. Sur ce, notre homme tourne un bouton et la machine vrombit…

Pour faire court, Ben Frost fait du bruit. Il triture les sons, module les fréquences, les tord et les maltraite. De temps à autre, il envoie les basses nous cogner dans la tronche, si nécessaire. Alors oui, on le sent. Ou plutôt, on le ressent ce bruit. Ce son. Physiquement. Comme de la matière vivante. Comme un Frankenstein sonore qui prend conscience du monde dans lequel il a atterri. Et c’est pas joli-joli. Alors voilà, prends-toi ça dans les dents!

Sauf qu’on devrait saigner des oreilles, pour bien faire. On devrait se sentir agressé, battu, abattu par ce déluge. Par moment, on l’est, c’est vrai. Mais trop rarement. Trop gentil, Mr. Frost? Ou les contraintes de la salle? Aurait-il voulu nous épargner?

III > LA FRUSTRATION DU FESTIVAL > PHEW

L’artiste japonaise Phew a bossé avec les gens de Can, avec Jah Wobble, avec Jim O’Rourke, avec Ryuichi Sakamoto. Bref, avec des gens bien. Elle est une référence dans l’électro d’avant-garde depuis les années 80. Alors, pourquoi la planquer ainsi dans le mini Studio, rempli à ras-bord avant même le début du set, laissant la moitié du public dehors, comme un con, obligé de se recentrer sur l’art contemporain estonien… Très joli béluga, ceci-dit.



IV > LA BRANLETTE DU FESTIVAL > HOLLY HERNDON

Décidément, cette école electronica américaine… Holly Herndon est doctorante en composition musicale à l’Université de Stanford. Si bien qu’elle fait du son. Envoie du beat, rajoute quelques boucles synthétiques, tout cela sur des visuels en 3D de nouilles mal cuites et pain grillé. C’est vide, c’est creux, c’est inutile et extrêmement ennuyeux. On a l’impression d’assister à une séance de branlette collective. En bandant mou, encore bien. L’effet qu’offre 99% des oeuvres d’art contemporain – et pas qu’estonien. L’effet du rien.



V > LA TÊTE D’AFFICHE DU FESTIVAL > JOHANN JOHANNSSON

La salle Henry Le Boeuf est pleine pour la seule fois du week-end. Johann Johannsson est catégorisé parmi “les nouveaux compositeurs classiques” par le label référence Deutsche Grammophon qui a dédié une collection à ces gens qui naviguent entre classique, electro et musique de film. Comme Max Richter, comme, dans une moindre mesure, les Italiens de Tale of Us ou encore Olafur Arnalds.

Ici, un orchestre de six musiciens, une bande analogique qui tourne, un guitariste-informaticien et le boss au piano. Le light show est classe, subtil, chaud et agréable. Les montées de violon sont parfois relevées de quelques sons électroniques appuyés, d’une guitare rugissante ou de cette bande qui ne cesse de tourner. C’est tout l’intérêt de ces “nouveaux compositeurs”: marier classique et musique concrète; la composition et le son enregistré; l’antique et le maintenant. Le problème, c’est que Jean Janson ne fait cela, en fin de compte, que très (très) rarement.

Reste de jolies compositions classiques pour orchestre. C’est beau, précieux, parfait même. Un peu trop parfait, d’ailleurs. Johann Johannsson ne bouscule pas les codes, il est dans la continuité de cinq cents ans de musique européenne. Et encore, pas certain que les férus de classique le considèrent réellement avec hauteur. Reste un concert classe et propre qui, en vrai, a endormi la moitié de la salle.

VI > L’HOMMAGE A DAVID BOWIE DU FESTIVAL > WILLIAM BASINSKI

Une pop star des 70’s à paillettes. Voilà à quoi ressemble William Basinski qui, en guise d’hommage à David Bowie, nous a joué deux pièces minimalistes. Un éloge funèbre sur deux notes répétées, lentement, longuement, dans la lignée du travail du Starman sur Low et Heroes et qui, petit à petit, vous prend dans ses bras et vous apaise. Mr Jones repose en paix.

Journaliste lesoir.be

commenter par facebook

répondre

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *