Ce fils de punk est le nouvel espoir du rock anglais. Sorte de jeune Tom Waits britannique, Archy Marshall marche dans les pas des grands songwriters d’Albion, de Billy Bragg à Ian Dury, avec son deuxième album « The OOZ ».
Rencontré dans un hôtel bruxellois, Archy Marshall s’est laissé aller au jeu du blind test. Voici ses disques à lui, ou, du moins, ceux qu’on entend, de près ou de loin, d’une manière ou d’une autre, dans son deuxième album The OOZ, véritable kaleidoscope minimaliste qui retrouve l’énergie et les expérimentations des années post-punk.
C’est parti…
> TOM WAITS “Hold On”
K.K. “Tom Waits? C’est marrant, tout le monde me parle de Tom Waits, mais je n’ai jamais vraiment écouté. C’est surtout via ses rôles au cinéma que je le connais, Dawn By Law, les autres films de Jarmusch et les BO qu’il a faites pour ces films. Je connais surtout le personnage. Qu’on me compare à Tom Waits? C’est top, mec. Il a une texture, un son unique”.
> THE LIBERTINES “Time for Heroes”
K.K. “Il y avait ce titre, sur le deuxième album, “Music When The Lights Go Out”. Je l’écoutais religieusement, au casque, c’est une chanson sublime qui m’a longtemps accompagné. Les Libertines, sinon, j’étais trop jeune. C’est surtout avec BabyShambles que j’ai découvert Pete Doherty. C’était quelque chose en concert!… On ne savait pas ce qui allait se passer, c’était assez fascinant. Mais je pense que ce qui m’a le plus influencé, c’est sa relation avec Carl Barât. Ce côté deux chanteurs, j’aimais beaucoup. Et puis, il y avait une aura mystérieuse autour de Doherty, ce personnage bohémien, et en même temps il était tout le temps dans les tabloïds”.
> THE DAMNED “Neat Neat Neat”
K.K. “C’est le premier groupe que j’ai écouté. Ma mère a vécu l’explosion punk de près. Elle était proche de Rat Scabbies, mon parrain est l’ancien batteur des Ruts. Je me souviendrai toujours de ce qu’elle m’a dit quand elle a vu les Sex Pistols pour la première fois à la télé: elle avait peur et s’est cachée derrière le fauteuil! Le punk a toujours fait partie de ma vie, il y avait une connexion dès le départ. Son énergie me parlait.”
> THE FALL “The Classical”
K.K. “Mark E. Smith, The Fall? Ca fait encore partie des groupes que je n’ai pas vraiment écoutés. Mais j’ai des potes qui vouent un culte à Mark E. Smith. J’adore le post-punk. Il y a plein de groupes obscurs de cette époque qui m’ont influencé. Joy Division était quelque chose de très important pour moi. J’aime le son des disques de cette époque, l’analogique sonnait mieux, le matériel était meilleur. Aujourd’hui, tu rajoutes, tu enlèves… Mais à l’époque, si tu devais enregistrer en une prise, tu avais intérêt à savoir ce que tu allais jouer. Je ne suis pas un puriste, mais je trouve que le songwriting a bénéficié du fait qu’il n’y avait rien d’autre à faire que lire ou s’ennuyer devant la télé. J’aime rester minimaliste. J’enregistre live, sur un quatre pistes, pas plus. Si je me plante mais que l’énergie est bonne, je garde la prise”.
> KENDRICK LAMAR “Backseat Freestyle”
K.K. “C’est sur quel album? Good Kid, m.A.A.d city? C’est peut-être le plus grand artiste hip-hop de tous les temps. Ses tracks sont incroyables, les lyrics, les visuels, tout. C’est fou. C’est peut-être un des plus grands, tous styles, toutes époques confondues. Je me souviens jouer un concert à mes débuts et Kendrick jouait avant moi (rires). Avant mon premier album, j’étais obsédé par les loops, les tracks, la manière d’enregistrer dans le hip-hop. C’est quand tu arrives au stade du mix que ça se passe vraiment, tu enlèves, tu rajoutes… Aujourd’hui, ça m’est passé, mais ça fait aussi partie de ma manière de travailler. J’en sais rien, en fait, je n’y pense pas trop, mais clairement, quand j’étais gamin, j’étais à fond dans le rap. Avec mes potes, on était surtout fasciné par la vie hip-hop, plus que par la musique, à dire vrai”.
> ROBERT JOHNSON “Me And The Devil Blues”
K.K. “B.B. King? Le blues, j’y suis arrivé via le rockabilly. Des trucs comme Ian Dury, “Sweet Gene Vincent”, Alan Vega et Suicide qui ont beaucoup pris au rockabilly pour en faire du psychobilly. Les Cramps, énormes! J’en reviens toujours à la fin des années 70 et au début des 80’s, c’est vrai…”
> MILES DAVIS “So What”
K.K. “Miles? Le jazz, c’est du punk. Un disque qui m’a particulièrement marqué, c’est In A Silent Way, quand il commence à utiliser les synhtés rhodes et l’électricité. Je n’ai jamais étudié le jazz, mais je pense que je peux comprendre d’où il vient, musicalement. L’improvisation, l’expérimentation, ça exprime tellement de choses. J’ai vu un documentaire où on cite tous les styles, les standards de jazz et Herbie Hancock dit: ‘Miles, il était toutes ces choses’. J’aime cette idée de bâtardiser tous ces standards”.
> MOUNT KIMBIE “Blue Train Lines”
K.K. “C’est des potes, oui. Le truc, c’est que j’avais une sacré gueule de bois quand j’ai enregistré les voix, c’est pour ça qu’elle sonne comme ça. L’electro, le UK Garage, la Funky House, la techno, c’était surtout cool pour faire la fête. J’ai adoré le premier Mount Kimbie, très ambient. On peut entendre le béton de la ville. Mais le dernier est très très post-punk, en fait”.
> IAN DURY “Sex & Drugs & Rock & Roll”
“Ian Dury, c’était important dans ma famille. Moi, c’est surtout le personnage qui me touche. Je me suis connecté à sa manière de vivre, sa manière d’écrire sur les choses qui l’entourent. L’Angleterre? Je pense qu’on ne peut pas échapper d’où l’on vient. Surtout si comme moi tu essaies d’être le plus honnête possible et d’écrire principalement sur toi-même. Forcément, l’Angleterre ressort. Tu ne peux pas y échapper”.
DIDIER ZACHARIE
King Krule en concert à De Roma à Anvers le 11 décembre.
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