Le groupe de Cincinatti était supposé venir présenter son dernier album Sleep Well Beast à Forest National ce jeudi. A la place, il a fêté les dix ans de Boxer en exclu.
Bordélique ? Assurément. Mais pas désagréable pour autant. A dire vrai, ce concert de The National, qui sentait fort la fin de tournée, avait un parfum très rock n’ roll, le groupe de Cincinatti naviguant sans cesse entre le chaotique et le sublime, sans jamais choisir son camp. Et pourquoi pas ! Ca nous change des grosses cylindrées huilées et pré-programmées. Ici, on est allé de surprise en consternation. Ce qui évite l’ennui.
Pour commencer, The National est arrivé à Bruxelles une semaine après ce qui était prévu. La raison de l’annulation des deux Bozar remplacés par un Forest National ? Le groupe, fervent démocrate, était invité à jouer pour la famille Obama pour le sommet de leur fondation… Trois titres, ils ont joué. Mais une embrassade de Michelle Obama à la clé. Va donc pour Forest.
Là-dessus, les bonzes débarquent, à sept (cinq plus deux multi-instrumentistes). Trois panneaux vidéos placés l’un au-dessus de l’autre les montrent dans les couloirs de la salle forestoise et prendre la scène pour entamer « Fake Empire », superbe titre d’ouverture de l’album Boxer qu’Obama avait d’ailleurs utilisé pour sa campagne. « Mistaken For Strangers », « Brainy », « Squalor Victoria »… Là où on attendait un set centré autour de leur excellent dernier album, on se rend compte que The National nous sert tout Boxer, dans l’ordre et sur un plateau. On n’est pas là pour ça, mais pourquoi pas… Après tout, le disque est sorti il y a tout juste dix ans et c’est une exclusivité pour Bruxelles only. Une première mondiale, même. Va donc pour Boxer.
Le problème, c’est qu’on est un peu pris au dépourvu, sans qu’on sache exactement ce qui est en train de se passer. Et on attend surtout le moment où le concert va vraiment décoller. L’autre problème, c’est Matt Berninger… Qui semble avoir quelques problèmes avec sa voix. Avec sa tête aussi… Jouant sans cesse de l’air guitar, le visage replié sur son micro, l’air d’être à côté de ses pompes la plupart du temps, excepté pour quelques sursauts de fulgurance pas forcément saine d’esprit, il semble rechercher « un souffle, un éclat bleu, un instant, qui dit mieux ». Le bonhomme est à la fois touchant, pathétique, imprévisible et pourvu au fond de lui d’une étincelle de génie qu’il cherche sans cesse et finit par trouver dans le fond de gobelets en plastique qu’il balance aux quatre coins de la salle une fois vidés. Bref, Matt Berninger est quelque chose comme une rock star. Va donc pour la folie.
A l’heure de jeu, le premier single du dernier album, « The System Only Dreams In Total Darkness », marque (enfin!) la deuxième partie du concert dédiée à Sleep Well Beast ainsi que l’accélération attendue. A partir de là, le groupe est comme libéré, le Matt a fini son tour de chauffe et met la purée et les moments de grâce s’enchaînent : « Guilty Party », « I Need My Girl », « The Day I Die ». Trop bon, mais trop court.
Heureusement, le rappel sera plus chaotique encore. Et donc jouissif. Le chanteur est alors en roue libre, jette une bouteille, déconne avec le public, plonge dedans, traverse la foule, hurle dans le micro, semble parti pour prendre un coup au bar et puis remonte sur scène aussi vite qu’il était descendu, envoyant valdinguer son oreillette avant un titre final en acoustique, sans micro et en choeur avec le public « Vanderlyle Crybaby Geeks ». Un final impeccable pour un concert qui ne l’était pas. Et c’est tant mieux. Non à la perfection. Va donc pour la communion.
DIDIER ZACHARIE
Photos MATHIEU GOLINVAUX
SETLIST: BOXER Fake Empire/ Mistaken For Strangers/ Brainy/ Squalor Victoria/ Green Gloves/ Slow Show/ Apartment Story/ Start A War/ Guest Room/ Racing Like A Pro/ Ada/ Gospel The System Only Dreams In Total Darkness/ Walk It Back/ Guilty Party/ Don’t Swallow The Cap/ Bloodbuzz Ohio/ I Need My Girl/ Day I Die RAPPEL Carin At The Liquor Store/ Mr. November/ Terrible Love/ Vanderlyle Crybaby Geeks