Ça y est, on a trouvé notre feel good groupe. Celui qui, en concert, te met bien et te donne du bonheur pour le restant de tes jours. Essayer Peter Kernel, c’est l’adopter. Et dieu sait s’il y a peu de petits Suisses à adopter.
Bon, soyons précis : Peter Kernel, c’est Aris Bassetti, tessinois, guitare plus voix, et Barbara Lehnhoff, originaire du Canada, voix et basse. On va y venir : pratiquant le diy, ils font plus que juste de la musique. Mais pour l’heure – enfin, au début du mois -, ils ont sorti un quatrième album, The size of the night. Un album qui a alimenté l’essentiel de leur setlist, mardi soir au Botanique. Une pincée d’impro, une dynamique constante et un rien d’onirisme, quelques échanges de vannes : ces deux-là ont tout bon et savent le partager avec un public !
Selon eux, c’est The size of the night qui les représente le mieux aujourd’hui. « Peut-être est-ce l’album qui nous respecte le plus et qui traduit ce qu’on vit en ce moment. C’est la première fois qu’on en fait un qu’on aime écouter aussi. Alors c’est bon pour nous. »
Classés au rayon art punk (pour faire simple), ces disciples de Can et du krautrock (à certains égards), qui aiment de temps en temps s’exprimer sur le fil de la dissonance, s’étaient jusqu’ici fixé des limites. Aris : « On avait décidé de ne pas utiliser d’autres instruments, de rester plutôt dans l’optique du live. Cette fois, on a vraiment fait tout ce qu’on voulait, sans se dire que telle ou telle partie serait difficile à reproduire en concert. » Détail qui n’en est pas un : c’est la première fois qu’ils enregistraient eux-mêmes. « On a découvert que le studio peut être comme un instrument. Alors on l’a beaucoup utilisé, et c’est aussi pour ça qu’on s’est ouverts à des genres, des influences qu’on a toujours eues mais qu’on n’a jamais exprimées. »
Sur cet album aussi, et en live également, Peter Kernel glisse dans ses compos quelques petits riffs répétés inlassablement. Le genre de truc qui rend totalement accro ! Comme on peut l’être de « Men of the women », extrait du disque et joué ce mercredi en tout début de set. Un parfait instigateur d’une transe qui fait partie intégrante du live. Et au passage : un tube ! « C’est étrange, relève le Suisse, parce que c’est la chanson qu’on a vraiment écrite le plus vite. C’était une improvisation, et le take de la batterie était le tout premier. On n’avait même pas encore décidé comment elle se terminait : le batteur a fini comme ça, et on l’a gardé. On n’a pas pensé que ça pouvait être un single, même pas que c’était assez catchy pour en être un. Mais sinon la composition a été rapide. Des fois, tu prends la bonne route et tu arrives vite à faire les choses, et des fois, on doit écrire, écrire, écrire pendant des mois pour une chanson… »
Le clip est né après une résidence au Confort Moderne à Poitiers. Barbara raconte : « Le dernier jour, on a fait le premier concert pour essayer les chansons en live, et on s’est dit que ce serait cool d’avoir une vidéo ou autre chose. On a demandé aux gens de filmer « la deuxième chanson » sans savoir laquelle ce serait. Et on a sorti la vidéo, qui a bien marché, donc on s’est dit que ce serait le deuxième single. Mais c’est arrivé par hasard… »
Précision : « Men of the women » est le premier morceau du groupe chanté en dialecte. Aris et Barbara sont basés à Lugano, dans le canton du Tessin, donc. « On s’amusait, explique le premier, mais on se disait que les gens ne comprendraient rien à ce que je dis. Pourtant, le mix assez… exotique fait que ça marche. »
C’est votre premier vrai morceau suisse, alors ?
Aris : Ah oui c’est vrai !
Barbara : Mais après, c’est étrange, parce que le dialecte suisse/italien, c’est un peu… presque de l’arabe, quand tu ne comprends pas les mots.
Aris : Mais ça dépend, il y a beaucoup de mots français aussi.
Barbara : Oui mais comme accent, c’est un peu… exotique !
Aris : Ça dépend aussi de la mélodie, mais c’est vrai ça sonne un peu exotique. C’est pour ça qu’on disait que cet album nous représente le mieux. Je parle ce dialecte tessinois avec ma famille, et Barbara qui parle anglais, dans cette chanson, elle chante en anglais.
Il paraît que ces deux-là ne s’aimaient pas trop, lors de leur rencontre. Magie de la musique : ils ont quand même fini par en faire ensemble. Aris rigole… Drôle d’idée ? « Je finissais mon travail de fin d’études, raconte Barbara (ndlr : ils se sont rencontrés à l’école de communication visuelle et de design de Lugano). C’était un film, et j’avais besoin d’une bande sonore que je voulais faire moi-même, mais je ne savais pas jouer. Alors j’ai connu Aris, et on a commencé en faisant la musique pour le film. Et puis on a joué ça live, une fois, on a vu que ça fonctionnait… » Lui confirme, ça a un petit peu commencé comme ça, par la sonorisation de vidéos : « Moi, je jouais avant, mais elle ne savait pas jouer. J’ai dit ok, tu essaies la basse, tu mets le doigt ici, hein, et puis c’est venu comme ça ! » Aujourd’hui, sur scène, Barbara joue en plus du mellotron !
Peter Kernel sera le 24 mars au N9 (Eeklo), le 14 avril au 4AD (Dixmude) et le 21 avril à l’Insert Name Festival au KulturA (Liège). D’autres dates devraient être annoncées sous peu. Ce sera l’occasion de publier la suite de cette interview !
Didier Stiers
(Portrait : peterkernel.bandcamp.com)
Setlist : There’s nothing like you – Men of the women – I’ll die rich at your funeral – The secret of happiness – You’re flawless – Terrible luck – Africa – Supernatural powers – Pretty perfect – This storm will last – The shape of your face in space – High fever. Rappel : Panico ! This is love – It’s gonna be great.
The size of the night (distribution : Mandaï)