Première soirée urbaine, ce jeudi aux Nuits, avec Siboy le cagoulé et les Anversois de Blackwave en tête d’affiche. La médaille ? Pour l’outsider, Loud !
Emmené par Willem Ardui (producteur) et Jaywalker (rap), Blackwave sert du hip hop nineties et de la r’n’b à la sauce funky/jazzy. Deux voix, une pour chaque genre ou à peu près, et un groupe conséquent disposé en arc de cercle en fond de scène. Pas de doute, ils sont doués, ces deux cuivres, ce claviériste, ce batteur, ce bassiste et ce guitariste. Ils ont même droit à l’un ou l’autre court solo et soignent l’entrée en scène des patrons, avec une intro instrumentale façon américaine. James Brown & co, ce genre… Bref, les nouveaux chouchous des chroniqueurs et du public flamands sont fort bien en place (un changement de costume est même prévu à mi-parcours), et la Rotonde toute remplie joue le jeu des bouts de refrains à reprendre en chœur. « Big dreams », « Elusive », on est ici dans la positive attitude, qu’on retrouvera le 30/6 à Couleur Café, le 7/7 à Werchter, le 8/7 au Gent Jazz. En un peu plus débridé ?
Siboy, c’est le rappeur cagoulé. Ou l’un des rappeurs cagoulés, sauf que lui s’est retrouvé sous l’aile bienveillante et protectrice de Booba. Depuis juin 2017, cet ex-beatmaker débarqué de Mulhouse compte un album à son actif, Spécial, sorti donc sur 92i, le label de B2O. Et surtout : dans le genre, ses clips sont un régal. C’est donc inévitablement à ceux-ci qu’on repense ce jeudi à la Rotonde quand, sur certains morceaux, le « personnage » est juste parfait. Avec « Eliminé », notamment : la prod lorgne vers ce qui pourrait être la bande-son d’un John Carpenter 2.0, ce truc à la fois enfantin et en même temps flippant dans l’atmosphère, parachevé par les quelques rires de psychopathe que le Siboy lâche entre deux punchlines agressives.
Ce n’est pas le tout venant de la trap, ça. C’est sec comme un coup de trique sur la nuque et à propos de coup, la formule « bande plus batterie » s’avère particulièrement efficace. Au-delà, dommage que tout ne soit pas du même tonneau, que les histoires qu’il nous raconte ne soit pas toutes aussi accrocheuses. Les titres avec du « sale » dedans, ce qui est un des standards actuels, n’en paraissent que plus anodins. Comme d’ailleurs « Mobali » (forcément) sans les featurings d’origine. Et quand Siboy se met en tête de chanter plutôt que rapper c’est peut-être burné mais nettement moins convaincant. Dommage enfin pour ces formules routinières dans le contact avec le public : on a bien compris qu’il était content d’être là, mais au bout de dix fois, on arrête de compter les « ça va Bruxelles, vous êtes toujours là » ou les « comme jamais ».
Du coup… ce serait peut-être bien au Montréalais Loud qu’irait la palme de la soirée, non ? A Lord Gasmique celle du set le plus partageur, lui qui fait monter ses potes sur scène. Mais dans l’ensemble ? Loud ! Certes, c’est plus classique, mais la variété dans le texte (écoutez son premier album solo, Une année record) est séduisante, et plus encore ce mélange ultra fluide de l’anglais et du français avec l’accent. Comme le soulignait un camarade, chez d’autres, ce genre de bilinguisme serait vite dézingué par la critique ou passerait rapido pour un cliché. Chez ce MC-là, c’est un atout. La preuve par une Orangerie pleine pour lui dès l’ouverture.
Didier Stiers